mardi 15 avril 2014

Chapitre 2: Le réveil de la blessée ~




          Will se réveilla des suites d’un long sommeil sans rêve. Allongée dans un lit de modeste qualité, son étonnement acheva sa sortie du monde des songes. La chambre dans laquelle elle se trouvait n’était dotée que d’un lit, d’un chevet, et d’une table. Cela devait être la chambre d’une auberge. Les murs en bois était correctement isolés et la chaleur y était agréable. Aucune fenêtre ne lui permettait de déterminer s’il faisait jour, ou nuit.  Une bougie était allumée juste à côté d’elle sur le chevet, la cire avait coulée, sur le bois abîmé, preuve d’un long moment passé. Elle se rappela alors les évènements récents, et les souvenirs réveillèrent la douleur. Elle remarqua avec une lenteur déconcertante ses bras couverts de bandage et l’odeur de baume apaisant à la fleur de phénix. Étrangement  la souffrance semblait lointaine. Will en déduisit qu’on l’avait sans doute surchargée de calmants ou autres anesthésiants. La mort l’avait frôlée de si près…  Des larmes chaudes roulèrent sur ses joues. Sa tueuse l’avait sauvée de son propre suicide. La dernière ombre… Elle se posait tant de question à son sujet.  Elle qui devait tuer si souvent, elle l’avait sauvée. Comment cela était-il possible ? Sûrement une défaillance de sa part… Et quand elle se rendrait compte de son erreur, elle reviendrait la tuer. Elle songea alors à s’enfuir, mais elle n’avait nul endroit où se réfugier. La seule personne qu’elle adorait avait engagé quelqu’un pour la tuer. Elle n’avait plus rien. Elle voulait pleurer, hurler, mais elle se sentait tellement fatiguée qu’elle n’en fit rien. Des conversations s’échappaient  de derrière la grande porte qui lui faisait face. Elle parvenait à écouter, mais pas à comprendre. Elle repensait au regard inquiet qu’elle avait vu sur Eliwan juste avant de s’évanouir. C’était elle qui avait dû l’emmener ici. Elles avaient sautées d’une fenêtre, et Eliwan avait atterrie la première, sur le dos. Comment avait-elle put survivre sans se briser la colonne vertébrale… L’inquiétude la gagna, entrainant de la surprise. Etait-elle indemne ? Blessée ? Pourquoi diable la victime se faisait elle du souci pour son bourreau ?


          La porte s’ouvrit, mettant fin à ses questions. Un jeune homme brun de peau entra. Ses yeux étaient si clairs, qu’on eut dit qu’ils étaient aveugles. Reflet de ses cheveux longs, d’un blanc immaculé, la peur se lisait dans le regard qu’ils offraient. Le contraste ainsi formé lui donnait des allures fantomatiques. Il était vêtu d’un simple pantalon et d’une tunique ouverte sur la pilosité de son torse, blanche elle aussi. Il resta dans l’encadrement de la porte en voyant que Will était réveillé. Il ouvrit la bouche, mais avant qu’il ne puisse prononcer le moindre mot, il fut bousculé par une femme beaucoup plus petite que lui en taille, mais bien plus dangereuse : Eliwan. Elle se planta entre l’homme et le lit. Sa posture était déterminée et sûre d’elle. Elle portait un pantalon de cuir noir, accompagné d’un corset de la même couleur. Sa peau pâle avait pourtant un grain doré, comme les peaux mattes restées trop de temps dans l’obscurité.  Will aurait voulu avoir peur, mais elle était ébahit par la jeune femme androgyne. Ses cheveux courts, coupés grossièrement sans doute dans le but de ne pas gêner ses manipulations lui donnaient un côté sauvage et hostile. Sa bouche rose comme une grenade ouverte semblait figée en un rictus froid et manipulateur. Will imaginait quelles épreuves avaient bien pu sculpter une telle expression et un tel regard sur ce visage si beau. Les yeux d’Eliwan étaient d’une couleur chaude qui aurait pu invoquer la bienveillance et la protection, pourtant ils ne montraient que de la glace, comme le paysage gelé que Will avait l’habitude de voir chaque matin. 


          La jeune femme aboya un ordre inintelligible pour Will, qui      était encore sous l’effet des sédatifs. L’homme, dont la peur était évidente s’approcha du lit, les mains en évidence, afin de ne pas effrayer la blessée. Will réagit à peine, toute son intention était fixée sur la tueuse. Celle-ci était restée en retrait mais observait avec intention le moindre mouvement de l’homme. Il était un médecin, sans doute avait-il une dette envers Eliwan, pour lui obéir comme cela. Il entreprit de retirer les bandages de Will pour regarder les blessures. Ses gestes tout comme son regard était doux, et sa voix rassurante. 

-Les… ures… voie de guérison, elle… pas en danger. C’est tout ce qu’elle comprit de la phrase qui avait accompagné le grand sourire du médecin. La voix plus grave et plus froide d’Eliwan lui répondit :

-… arfait. Quand… ra-t-elle guérie ? 

-Elle… ra des cicatrices, …ais elle pourra… tôt réutiliser … bras normalement. Elle … sous anesthésie, elle … a se réveiller  lentement, et … douleur se revei… ra aussi. Il y a des … almants sur … table.  

Eliwan acquiesça en silence. Elle désigna la porte du regard et le médecin s’empressa de s’en aller. Will fut apeurée par son départ, sa présence la rassurait. Elle sursauta quand la tueuse s’approcha d’elle. Cette dernière remarqua le mouvement de recul de sa protégée et afficha pendant quelques instants un air peiné.  
-Tu me craignais à peine quand je suis venue te tuer, et après t’avoir sauvé, guérie, tu sembles apeurée au plus haut point. Son air dubitatif était amusant, le coin de sa lèvre s’était relevé tout comme son sourcil. Will voulu répondre, mais sa langue semblait peser une tonne dans sa bouche, et seuls quelques mots se firent entendre :
- Où ? Quand ? La tueuse eu une ébauche de sourire.
-Nous sommes dans une taverne, à deux heures de cheval de ce qui était ta maison… Et tu as dormi une journée entière. Elle ne fut pas étonnée, elle avait l’impression d’avoir dormi un siècle. Eliwan reprit :
-Je vais devoir partir cette nuit, le médecin t’aidera à bien te rétablir, et tu pourras partir à ton tour. Un nouveau sursaut agita les frêles épaules de Will.
-Mais… Je ne peux aller nulle part…
-Tu as un frère.
Un éclat de rire lui répondit. Animée d’un profond dégoût, la blessée c’était redressé et se tenait droite. 
-Pour qu’il me tue de ses propres mains ? Oui, vous me sauvez pour me renvoyer à la mort. 
-Que veux-tu que je fasse ? Tu as beaucoup de chance d’être en vie. Dans ce cas, tu devras changer d’identité et vivre ta propre vie.
-Changer d’identité ? Eliwan se rapprocha et s’assit au pied du lit. Elle soupira puis répondit :
-Ton nom, Will, est celui que je devais offrir à la mort. J’ai refusé ce décès, alors la mort m’en veut.  Alors que si tu changes d’identité, cela serait comme la mort de Will, et la renaissance  d’une nouvelle personne. Ce serait une sorte de pardon, de compensation. De plus garder un prénom offert à la mort te porterait malheur. Je me suis chargée d’une lourde dette en t’épargnant. 
-La mort… Est-ce la déesse que vous vénérez ? 
-Oui. Une réponse simple, sans appel.
-C’est car vous êtes un assassin, c’est ça ?
-Si on veut, oui. Les vies que je prends je les offre à la grande mère pour assurer le salut de mon âme, et celle de ceux que j’ai tué. Je suis une tueuse, mais je ne désire par l’errance éternelle pour mes victimes.  
-Et c’est cela qui vous menace ? L’errance éternelle si vous ne comblez pas un contrat ?
-Oui. J’ai fais le contrat de tenir chaque promesse de crime. Quand je passe un accord de meurtre, je promets d’offrir une âme à la mort, en échange, celle-ci sera pardonnée de ses péchés et se verra offrir le salut. Tout comme je serais pardonnée de mes crimes. Je ne suis pas encore assez avancée dans le chemin de la mort pour juger moi-même mes victimes, mais quand je le pourrais, je condamnerais ceux qui le méritent.



         Will en resta bouche bée. La dernière ombre prenait tout son sens : la dernière ombre avant la mort. La dernière ombre, promesse d’une non-errance dans les ténèbres. 
-Cela veut dire que c’est ce que vous risquez si je ne meurs pas ?
-Oui.

-Combien d’âmes sont en jeu ?

Il y eu un long silence, lourd de sens. 

-Combien ? Insista-t-elle.
-Environ quatre cents. 
Will ferma les yeux. Quatre cents âmes condamnées par sa faute.  Elle ne pouvait pas se le permettre.
-Non… Ma vie ne vaut pas autant d’âme…  Dit-elle, la respiration saccadée par des pleurs silencieux. Je ne peux pas vivre avec le châtiment éternel de ces gens sur le dos. Et si je mourrais ?
Eliwan regardait la fille, triste. Pourrait-elle abattre la fille après l’avoir sauver ? Non, elle en doutait sérieusement.
-Je ne veux pas que tu meurs. Avoua-t-elle. 
Will se calma instantanément. Ce fut à son tour d’être prise de compassion, cette déclaration l’avait beaucoup touchée, et quand elle répondit, sa voix avait perdu sa panique, et s’était adoucie :
-Tu as une autre solution ? 
La dernière ombre avait remarqué le passage au tutoiement, et s’en réjouît intérieurement, sans vraiment savoir pourquoi.  Elle se leva et tandis que le regard de Will lui réchauffait la nuque et la confinait dans une impression de tendresse, elle prit une des fioles sur la table en prenant son temps, dans le but de préparer sa réponse. Devait-elle lui dire ? Si oui, accepterait-elle ? Et enfin, si oui, y survivrait-elle ? Cette fille la faisait entrer dans une confusion qu’elle avait rarement ou peut-être jamais éprouver. C’est en revenant qu’elle tenta de formuler une réponse modérée :
-Si la proie tient à la vie, et que son assassin accepte, elle peut invoquer son droit d’échange. C’est-à-dire, qu’elle s’engage à tuer elle-même la personne avec qui le tueur a passé le contrat. Mais rares sont ceux à connaître ce droit. Donc…
-Il faudrait que j’assassine mon propre frère, finit-elle. 
-Oui. Mais tu n’es pas obligée de t’imposer cela. Je t’offre la vie, donc c’est ton choix.
Assise sur le lit, le regard de la blessée c’était fait distant. 
-D’accord, dit-elle d’une voix vide. Eliwan s’en voulait. Elle s’en voulait d’avoir épargné cette fille, de ne pas avoir mis fin à ses tourments. Elle qui avait l’air si fragile, comment pouvait-elle supporter de vivre en condamnant des centaines d’âmes ou en tuant son frère ? 
-Tiens, bois ça, ça va te rendormir et accélérer ta guérison.  Dit-elle en tendant le remède à sa protégée. 
-Et toi ? Répondit-elle en prenant la fiole avec suspections.
-Je vais devoir partir.
-Non !  Reste ! Je t’en prie ! 
Eliwan posa avec incertitude sa main sur celle de Will, et ce contact, bien que léger et rapide l’ébranla toute entière. Elle parvînt à la convaincre de boire le contenue de la fiole par ce simple geste et le regard qui l’accompagnait. En la voyant faire, la décision ne lui appartenait plus, c’était un sentiment complexe et inconnu qui la poussait à répondre :
-D’accord, je reste.
Sa main agrippée à celle de sa sauveuse, Will s’enfonça peu à peu dans son matelas. Quand le noir l’emmena à nouveau, elle n’avait plus peur, plus mal. Elle était rassurée, confiante, et sereine. 




~



1 commentaire:

  1. La suite est tout aussi intéressante que le premier chapitre XD.
    L'amitié qui veut n'être entre Ewilan et Will promet d'être beau. J'ai hâte de voir la suit ^^.

    RépondreSupprimer